En nous interessant à leur Festival de muséologie, nous avons découvert plus en profondeur l’association Mêtis (En grec : mesurer, le calcul et la connaissance d’une situation ou d’un problème afin d’en trouver la résolution concrète la plus efficace). Au delà de leur site, qui est une véritable mine de ressources, la vocation de cette association est de connecter le monde des chercheurs en muséologie et les acteurs du monde muséal… Les premiers peinent parfois à communiquer leurs recherches, les seconds ont besoin de données pour faire évoluer leurs établissement… Mêtis travaille à connecter ces 2 mondes… Et cela valait bien une interview !
« Mettre à disposition des ressources »
Communicant. info : Pouvez-vous nous expliquer comment on devient chercheuse en muséologie ?
Audrey Doyen (AD) : J’imagine que comme pour beaucoup de parcours, il s’agit d’un peu de hasard, mélangé à de la passion. Je n’ai pas spécialement baigné dans un milieu culturel étant enfant et suis arrivée en Master d’études muséales à Neuchâtel (Suisse) suite à une Licence en anthropologie. La formation proposée était intéressante à tous points de vue. Puis, en découvrant les thématiques d’études en muséologie (ou études muséales), j’ai rapidement été fascinée par le monde des musées, ses problématiques, ses enjeux, ses potentiels futurs… J’ai poursuivi mon master par une thèse, car j’avais à coeur de creuser un sujet qui m’intéressait particulièrement : les relations entre les marchés de l’art et les musées d’ethnographie.
Cindy Lebat (CL) : Pour ma part, je me suis intéressée d’abord aux publics et à la notion de médiation culturelle avant de me pencher spécifiquement sur les musées. Je travaille depuis de nombreuses années sur les questions d’accessibilité et de handicap dans le champ culturel, et c’est assez naturellement que je suis venue à m’intéresser aux musées, puisque c’est une institution qui agit véritablement comme un révélateur des structurations sociales contemporaines. Après un master en médiation culturelle et plusieurs années en tant que chargée d’étude au Ministère de la culture, j’ai donc poursuivi par un doctorat en muséologie, sur la question de l’accueil des visiteurs en situation de handicap sensoriel dans les musées.
C.I : Pouvez-vous nous présenter l’association Mêtis ?
AD : Mêtis est né en 2017 de la volonté de renforcer les synergies entre monde académique – où se déploie une recherche en muséologie encore très dispersée dans de nombreux domaines – et les acteurs des musées impliqués au quotidien dans le fonctionnement de ces institutions. Nous organisons pour cela des rencontres, mettons à disposition des ressources sous forme d’articles et de vidéos, et faisons aussi du conseil en connectant les chercheurs et les institutions.
« La muséologie approfondit notre savoir sur les musées »
C.I : Vous organisez un festival de muséologie en juin prochain : pouvez-nous expliquer pourquoi ?
AD : Ce festival s’inscrit dans la suite logique du développement de nos activités : les rencontres mensuelles se font sur deux heures, ce qui nous frustre à chaque fois. En outre, tout le monde n’a pas la possibilité de se déplacer chaque mois, ni forcément en soirée.
Nous nous sommes donc dit qu’il fallait proposer un format alternatif : condenser les activités sur deux jours offre davantage de possibilités et le fait de l’avoir prévu à cheval sur le weekend permet peut-être aussi aux personnes de s’arranger. Le format du festival nous convient particulièrement, car nous sommes attachées à rendre nos activités accessibles, informelles, et pensons que les discussions peuvent parfois être autant intéressantes autour d’une machine à café que dans une salle de conférence.
CL : Nous avions par le passé organisé des « visites-expérimentation » (au Musée du Quai Branly Jacques Chirac et au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris), puis plusieurs « journées de Recherche-action ». La recherche de formes innovantes et vivantes de transmission des savoirs a toujours été dans nos préoccupations, et nous poursuivons sur cette voie avec le Festival de la muséologie que nous organisons en juin 2020, avec le soutien du labex ICCA.
C.I : Dans la présentation du festival, vous parlez « de diffuser largement ses apports ». Pouvez-vous résumer quels sont les apports de la muséologie ?
AD : la muséologie, ou « études muséales », englobe toutes les recherches produites sur et autour des musées. Les contours de cette discipline sont encore flous, car elle n’est structurée et légitimée que depuis récemment.
Cependant, ses apports sont nombreux: en se penchant sur tous les aspects du musées (les collections, les expositions, les publics, la médiation, etc.), la muséologie approfondit notre savoir sur les musées, une institution pour le moins mystérieuse quand on y pense… Pourquoi a-t-on créé des musées et pourquoi n’existent-ils pas partout sur la planète à toutes les époques, sont par exemples des questions auxquelles certains chercheurs essayent de répondre.
Mais les apports de la muséologie sont aussi pratiques : sur la base des analyses produites sur les musées, les chercheurs formulent des pistes d’évolution, voire proposent des solutions ou des préconisations. Ces aspects sont souvent méconnus des acteurs du musées, pour des raisons diverses qui tiennent autant à la difficulté des chercheurs à communiquer sur leurs recherches, que des possibilités temporelles, pratiques, etc.
« L’évolution des publics est le reflet de l’évolution de la société. Les institutions culturelles doivent s’y adapter… »
C.I : Mêtis a récemment publié un article sur la notion de public, sa difficile définition… Comment une structure culturelle doit aujourd’hui considérer son public ?
CL : L’évolution des publics est le reflet de l’évolution de la société. Les institutions culturelles doivent s’y adapter, comprendre les nouvelles pratiques et les nouvelles attentes de leurs visiteurs. L’article met en avant un certain nombre d’éléments, comme le besoin de participation citoyenne, qui peuvent servir de pistes pour les institutions, afin de s’adapter au mieux aux évolutions contemporaines.
C.I : Dans ce même article, vous évoquez les publics de demain. Coproduction, inclusion VS approche catégorielle… En quoi la muséologie peut aider à répondre à ces enjeux ?
CL : La recherche sur les musées et les publics peut, dans un premier temps, aider à identifier ce « public de demain », et de mieux comprendre ses besoins, ses attentes, mais aussi les enjeux et questions que cela soulève pour les institutions. Elle peut ensuite proposer des pistes d’actions concrètes pour y répondre, ou participer à l’analyse des actions déjà initiées dans les musées, afin d’en mesurer la portée et les effets.
[…] « L’évolution des publics est le reflet de l’évolution de la société » – R… février 28, 2020 […]