Lancé en 2011, Twitch plateforme des « gamers » et amateurs d’e-sport (compétitions de jeux vidéos) s’ouvre progressivement à de nouvelles communautés. En témoigne le succès, maintes fois commenté, de la chaîne de Samuel Etienne.
Et depuis peu la communication digitale culturelle a sa propre chaîne. Nous avons rencontré Amélie Benchallal, sa créatrice ! Elle nous explique la genèse de la création de sa chaîne sans oublier de nous donner sa vision de Twitch…
Communicant.info : Bonjour Amélie ! Pouvez-vous vous présenter ?
Amélie Benchallal : Bonjour, je m’appelle Amélie Benchallal, j’ai 24 ans et je suis actuellement étudiante en M2 Communication digitale et marketing d’influence à l’ESG Tours. Avant de m’intéresser à la communication, j’ai fait des études en médiation culturelle. Ce qui explique pourquoi, aujourd’hui, je cherche à croiser ces deux domaines : communication et culture. J’ai toujours su que je voulais contribuer à la valorisation de l’art et de la culture. La communication est venue vers moi comme une évidence. J’ai réalisé un mémoire sur les collaborations entre musées et influenceurs*, je tiens un compte Instagram pour rendre sensible et accessible l’art et, depuis un peu plus d’un mois, je me suis lancée sur Twitch !
« C’est à plusieurs qu’on comprend et construit le mieux. »
C.I : Avant d’aller plus loin, pouvez-vous commencer par expliquer ce que c’est que Twitch ?
AM : Bien sûr ! Twitch est une plateforme détenue par Jeff Bezos, le dirigeant d’Amazon. Elle est à l’origine destinée aux gamers et leur permet de partager en direct leur partie tout en la commentant et en interagissant avec leur communauté. Ces derniers temps, on remarque une diversification des types de contenus proposés sur Twitch. Les catégories de la plateforme sont éclairantes sur ce phénomène : « Discussion », « Art », « Talk-Shows et podcasts », « Musique », on sent que le public se diversifie et que Twitch peut servir à d’autres fins que le gaming.
C.I : Vous avez décidé de lancer une chaîne Twitch pour parler de communication digitale culturelle. Comment vous est venue l’idée ?
AM : Lors de mes recherches de mémoire, j’étais assez frustrée de ne trouver que très peu de contenus sur la communication digitale culturelle. J’avais aussi, en parallèle, une forte envie d’échanger sur ces sujets qui me travaillent depuis plus d’un an et de rencontrer des personnes concernées par ces mêmes thématiques. Bref, je voulais créer une communauté autour de ma passion. Je me suis longtemps demandé comment faire et quel moyen utiliser. J’ai commencé par rédiger des « TOP POSTS » sur Linkedin pour partager et décrypter des posts d’établissements culturels. J’ai aussi réalisé des carrousels LinkedIn pour expliquer ma stratégie de création de contenus culturels sur Instagram. J’avais de bons retours, mais ce type de partage manquait d’interaction et de spontanéité. Je ne me sentais pas à ma place dans ce type de proposition qui n’allait que dans un sens. Je suis profondément convaincue que c’est à plusieurs qu’on comprend et construit le mieux. Et pour ce qui est de la communication digitale culturelle, il y a encore beaucoup de choses à construire et à penser. Le déclic ? Les lives de Samuel Etienne. Je me suis alors dit : « s’il arrive à intéresser des internautes avec des revues de presse pourquoi ça ne fonctionnerait pas pour parler de communication digitale ? » Alors je me suis lancée, animée par l’envie de tester de nouvelles choses et convaincue d’avoir trouvé la plateforme idéale pour échanger librement autour de ma passion.
C.I : Comment choisissez-vous les sujets ? Vous êtes-vous fixé une ligne éditoriale ? Un ton spécifique ?
AM : Oui tout à fait ! Je suis partie du principe que je ne suis pas une experte en communication digitale culturelle mais une étudiante en voie de professionnalisation, qui réfléchit et se pose des questions. Mon intention avec cette chaine n’est donc pas de faire un cours, ni d’imposer une vision, mais de parler et de faire parler de communication digitale. Je cherche à échanger avec les professionnels de la communication dans le domaine de la culture, mais aussi avec les étudiants intéressés par la communication culturelle. Le concept et la ligne éditoriale de ma chaine ont évolué au fur et à mesure des retours et de ma découverte de l’outil. Au départ, j’avais pour ambition de proposer un live tous les dimanches à 15h autour de 4 formats en alternance : lives thématiques sur un sujet d’actualité, lives balade sur les réseaux sociaux d’un établissement, interview de professionnels et sessions de jeux en lien avec la culture. Pour l’instant ce qui fonctionne le mieux, ce sont les interviews. J’ai donc décidé d’alterner entre interview et discussions autour d’un sujet ou des réseaux sociaux. J’ai interviewé premièrement les personnes de mon réseau qui ont accepté de se prêter au jeu, et j’essaye progressivement de faire venir d’autres professionnels pour faire de nouvelles rencontres. Concernant les lives thématiques, je choisis les sujets en fonction de l’actualité et des sollicitations de ma communauté. Ils ont toujours de bonnes idées et cela me permet de découvrir des choses différentes. Mon planning est généralement prévu un mois à l’avance, mais je suis toujours à la recherche de sujets et de personnes à interviewer. Donc n’hésitez pas à venir vers moi si vous souhaitez participer !
« Innover, tester et proposer des contenus originaux. »
C.I : Comment imaginez-vous la suite pour cette chaîne ?
AM : Je ne sais pas trop. En tout cas, pour l’instant, c’est pour moi un moyen d’échanger, d’apprendre et de rencontrer des personnes qui partagent le même intérêt que moi. Les évolutions vont suivre mes envies et les retours de ma communauté. J’ai beaucoup d’idées ! J’aimerais proposer plus de tests de solutions digitales pour le domaine de la culture, un peu comme je l’avais fait lors de mon live sur ArtyBot. Ce type de contenu est à la fois utile pour les créateurs de la solution, car ils peuvent avoir de la visibilité et des retours sincères sur leur proposition, et cela permet aussi aux viewers de découvrir de nouveaux outils et d’échanger sur l’intérêt de ces solutions. J’ai également envie de proposer un autre rendez-vous en semaine, plus « chill ». L’idée serait de jouer à des jeux qui intègrent l’art et la culture afin de comprendre la place qu’ils occupent dans ce domaine. J’avais déjà initié ce format à la suite du live sur le château de Versailles en jouant à Versailles 1685 : Complot à la cour du Roi Soleil. J’y ai pris beaucoup de plaisir et les viewers aussi. Puis pourquoi ne pas aussi proposer des lives autour d’artistes ? déployer mes séries Instagram sur Twitch ? organiser un stream autour du visionnage d’une pièce de théâtre pour en discuter ensuite ? J’aime innover, tester et proposer des contenus originaux. Je ne mets pas de limite à ma créativité, si ce n’est rester moi-même et faire ce que j’aime, tout simplement.
« Créer une vraie proximité ou pour toucher une cible jeune… »
C.I : L’histoire de l’art et la culture font leur apparition sur Twitch (on pense à la chaîne de Sabine Pasdeloup). Pensez-vous que les lieux culturels devraient s’intéresser à Twitch ?
AM : Oui, je pense que les lieux culturels ont tout intérêt à suivre les évolutions de cette plateforme. Certains y sont d’ailleurs directement ou indirectement déjà présents, je pense au musée de l’Armée, qui a fait un live avec Rivenzi et Hycarius, ou encore au Théâtre Olympia de Tours, qui a ouvert sa chaîne récemment. Mais cela reste à la marge. Deux opportunités s’offrent aux établissements culturels. La première, la création d’une chaine personnelle. Cette option est l’idéal, mais elle demande un investissement considérable pour appréhender l’outil et envisager une stratégie éditoriale adaptée. Il faut aussi trouver une ou plusieurs personnalités pour incarner la chaîne. Le musée de l’Armée explique très bien cette difficulté dans l’article mené Tiphaine Alliaume. Pour l’instant, il paraît plus pertinent de passer par les personnalités influentes de la plateforme pour toucher une communauté jeune et centrée autour des jeux vidéo. Les internautes sont très attachés aux influenceurs Twitch et c’est ce lien affectif qui peut en partie les amener à s’intéresser à l’histoire, à l’art ou autre. Comme le dit très bien le responsable de la communication du musée de l’Armée, on manque encore de recul pour appréhender cette plateforme et pouvoir penser à une stratégie pérenne et efficace.
C.I : Comment investir cet outil sans cependant paraître opportuniste ?
AM : Pour ne pas paraitre opportuniste, je pense qu’il faut que le projet ait du sens et qu’il colle parfaitement aux fonctionnalités de la plateforme. Il faut avant tout venir sur Twitch pour échanger avec sa communauté et créer une vraie proximité ou pour toucher une cible jeune et gaming. Le fond et la forme doivent être pensés et adaptés aux caractéristiques de Twitch, de sa communauté. Cette plateforme permet vraiment d’être créatif, à chaque établissement de trouver la bonne formule et d’avoir envie d’échanger avec la communauté Twitch.
* Amélie évoque son mémoire « Musée et influenceurs digitaux » chez nos collègues de Mon Cher Watson
Si cette thématique vous intéresse, vous pouvez aussi lire notre interview de Sarah Favre ou l’article de Aurélie Romand dans notre Livre blanc : « Le marketing culturel de A à Z »