L’intérêt pour les cartes d’accès annuelles aux structures culturelles a diminué. Les publics réfléchissent avant de s’engager à long terme et recherchent une expérience fluide et simple.
C’est dans cette optique que les équipes du Mucem en collaboration avec Openmusée ont développé l’application MUCEM+. Celle-ci propose un abonnement sur mobile dans un musée, entièrement numérique, illimité, reconductible tacitement et avec prélèvement mensuel. Nous avons échangé avec Victor Jacques, responsable du mécénat au MUCEM
Stratégies Culturelles : Bonjour, pouvez-vous présenter brièvement ?
Je m’appelle Victor Jacques. Au moment nous avons imaginé l’application MUCEM +, j’étais l’adjoint du responsable du développement Adrien Joly. Celui-ci a quitté ses fonction depuis. Nous avons été les 2 porteurs de ce projet au sein du MUCEM. J’occupe actuellement le poste de responsable des relations extérieures.
Stratégies Culturelles : Quelle a été l’idée de départ de MUCEM + ? Il semble que le confinement a eu une incidence dans son développement ?
Nous avions eu l’idée un petit peu avant. On regardait avec attention ce qui se faisait au Musée des Beaux-Arts de Montréal. Celui-ci avait développé une stratégie de membership / d’abonnement. Cette politique a été menée pendant de nombreuses années par Jean-Sébastien Bellanger. Il avait créé une vraie communauté d’abonnés et on se disait que c’était un modèle intéressant. Quand est arrivée la période du confinement, on a eu beaucoup de temps avec la fermeture du musée. Nous nous sommes alors penchés en détail sur ce modèle et nous nous sommes dit que c’était le moment d’inventer quelque chose. Avec le temps dont nous disposions à ce moment, nous avons pu creuser notre réflexion quant à la création d’une application numérique en phase avec les usages des publics, pour essayer de créer cette communauté d’abonnés.
Une application que tout le monde peut s’approprier…
Stratégies Culturelles : C’est un outil numérique, mais paradoxalement vous une visez pas que des publics de « digital natives » ?
Tout à fait, tout le monde aujourd’hui a un smartphone. De ce fait, nous ne ciblons pas uniquement un public ultra connecté. Le smartphone est cet outil que tout le monde ou presque a dans sa poche. Je crois que le taux d’équipement est de près de 90 % (87 % selon le baromètre du numérique – NDR). Cela couvre une très large partie des publics, ainsi l’application s’adresse à toute personne ayant un smartphone dans sa poche. Elle a été conçue de sorte à ce que tout le monde puisse se l’approprier facilement. Nous ne visons pas une génération, mais un public qui vient plusieurs fois par an au MUCEM, qui vit dans la région de Marseille, quelque soit son âge.
Stratégies Culturelles : Vous vous êtes inspiré des plateformes de contenus en ligne, qu’est qui vous a intéressé dans ce modèle ?
Nous nous sommes dit que l’on ne voulait pas un paiement unique une fois par an. Ce qui représente des sommes importantes pas forcément accessibles. Notre idée a été de dire que si l’on faisait un abonnement mensuel, le coût devenait plus faible et cela permettait de rendre le droit d’entrée au MUCEM plus accessible.
Pour donner un exemple, l’abonnement qui donne une accès illimité aux expositions temporaires et permanentes ainsi qu’à la salle de cinéma, pour une personne c’est 3 euros par mois. C’est un coût très faible parce que celui-ci est mensualisé. L’idée avec MUCEM + est de créer des premiers abonnements mensuels et sans engagement.. L’idée n’est pas que les gens se désabonnent rapidement. Il s’agit plutôt d’être en phase avec les usages actuels sur de nombreuses plateformes culturelles pour le cinéma, la musique… Et de mettre l’accès au musée sur ce même modèle…
Une application testée par les publics avant sa mise en ligne
Stratégies Culturelles : Finalement cette pratique peut être une ouverture vers du mécénat individuel…
Tout à fait. Une personne qui s’abonne peut librement décider de faire chaque mois un micro don pour les programmes en direction de publics éloignés de la culture. Nous nous rendons compte que c’est assez significatif puisqu’il y a quasiment 10 % des abonnés qui décident de rajouter un euro à leur abonnement mensuel pour soutenir ces initiatives. C’est une forme d’opération de crowfunding continu et cela permet d’associer les abonnés à l’ensemble de nos projets..
Stratégies Culturelles : Cet outil vous l’avez fait tester par les publics avant de le mettre en ligne ?
Nous avons vraiment pris le temps de tester cet outil : avec des groupes test, avec des collaborateurs. Ensuite nous nous sommes appuyé sur la société des amis du MUCEM, une association regroupant un millier de personnes. Nous les avons réuni en groupes pour vérifier que l’installation et son utilisation était suffisamment fluide. Nous avons pu observer si l’utilisation était optimale, compréhensive. Cela nous a permis d’améliorer des détails qui finalement n’en sont pas. Par exemple, en changeant un mot par un autre, on est parfois beaucoup plus clair
« Une première brique numérique qui pourra évoluer.. »
Stratégies Culturelles : Comment envisagez-vous de réussir le lancement de cette offre ?
Le projet est porté par notre département des publics qui a l’habitude de créer le lien avec le public, de le fidéliser, d’aller le chercher… Comme MUCEM + est un outil numérique, je pense que la communication numérique va être importante. Notamment sur nos newsletters, nos réseaux sociaux mais aussi sur le site internet, en particulier par sa mise en avant sur le site. Enfin on se sert également de la signalétique in situ pour toucher le public qui vient régulièrement au MUCEM.
Stratégies Culturelles : Est ce que vous envisagez d’aller plus loin avec cet outil en proposant des contenu exclusifs via cette application ?
Cela viendra peut être, c’est un peu tôt pour le dire. Aujourd’hui l’application (mise en place par Openmusée) sert de vitrine à des outils numériques existants comme nos audioguides, des émission de présentation de nos expositions… A l’avenir, il n’est pas exclu que l’on propose des contenus spécifiques. La première étape est pour nous de créer une communauté importante. En fonction du succès de l’application, nous pourrons évidemment envisager d’étendre l’offre. C’est une première brique numérique qui pourra évoluer. Nous aurons ainsi la possibilité d’évaluer les besoins des utilisateurs et y répondre.