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« Les musées, ce battement de coeur qui fait que la société va évoluer positivement ». Rencontre avec Diane Drubay (We Are Museums)

Alors que nous traversons une phase de bouleversements humains, économiques ou environnementaux, des lieux culturels comme les musées peuvent-ils, par exemple être vecteurs de changements sociétaux ?
A We Are Museum, la question ne se pose plus : elle est explorée, débattue depuis 2012. Nous avons rencontré Diane Drubay la fondatrice de ce mouvement
protéiforme  qui porte la voix d’une vision des musées et de la culture respectueuse de l’humain et aussi de l’environnement. 

Communicant.info : Bonjour Diane, vous avez déjà un parcours bien rempli avec un dénominateur commun : la culture et les musées. Est ce que vous pouvez nous le raconter brièvement ? 

Diane Drubay : J’ai commencé en 2006-2007,  j’étais étudiante et je devais faire mon mémoire. Ces dernières années ont été une très belle aventure humaine autour de la société, une aventure faite de changements. J’ai démarré avec un blog qui parlait de l’innovation dans les musées, plus particulièrement le digital. On était en plein développement du web 2.0, avec des nouvelles pratiques, des nouvelles valeurs de coopération et de communautés. Au fur et à mesure, mon blog et mes propos, mes idées ont attirés l’attention de professionnels de musée, cela a aboutit sur de très belles relations, de très beaux projets. Je me suis mise à mon compte en travaillant avec différentes agences et prestataires pour guider les musées dans leur transformation. De la transformation digitale, j’en suis venu à aborder la transformation sociale puis la transformation environnementale. Depuis 2012, mon plus grand projet est We Are Museums qui permet de guider les musées dans différentes transformations.

Diane Drubay
Diane Drubay – Credit photo : Evelyn Bencicova

« Cela peut paraître dichotomique d’associer musées et transformation, mais c’est le seul chemin possible pour les musées s’ils souhaitent avoir un rôle central dans nos sociétés actuelles et futures. »

Communicant.info : Vous êtes donc la fondatrice de We Are Museums qui porte une vision de la culture (plus particulièrement des musées) respectueuse de l’humain et aussi de l’environnement. De quoi s’agit-il ? 

Diane Drubay : Ce qui est vraiment au coeur de We Are Museums c’est la volonté de guider les professionnels de musées vers le changement. Changer ce n’est pas évident mais c’est la seule constance que l’on peut vivre, expérimenter au quotidien. Cela peut paraître dichotomique d’associer musées et transformation, mais c’est le seul chemin possible pour les musées s’ils souhaitent avoir un rôle central dans nos sociétés actuelles et futures.  On a une approche d’innovation sociale qui consiste à renforcer les compétences, la relation des musées envers les communautés locales pour qu’ils puissent développer des projets innovants à vocation sociale, environnementale. L’innovation dans le respect des individus, des communautés et de la planète, c’est vraiment ce qui fait le coeur de We Are Museums. Notre vision est que les musées sont ce battement de coeur qui fait que la société va évoluer positivement.

Pour cela, on a mis en place différentes actions. On a notamment créé différents moments qui réunissent des acteurs museaux mais aussi différentes professions : créatifs, hackers, designers… Ces rendez-vous ont eu lieu dans différents pays où l’on peut s’inspirer, trouver des nouveaux modèles de musées, de pratiques émergentes qui font que le musée a une autre place dans la société et peut être vecteur de transformation. Depuis peu, on a différents programme, différentes ateliers, une communauté en ligne. Le projet change continuellement en fonction des besoins, de ce qui est possible (par exemple en 2020, il valait mieux réunir les personnes en ligne).

We Are Museums - les musées sont des acteurs du changement
We Are Museums – les musées sont des acteurs du changement

« Si le musée veut faire prendre conscience aux communautés et visiteurs de leur potentiel d’action, de transformation, il devait commencer par lui même adopter un comportement plus responsable »

Communicant.info : Parmi ces actions, on trouve le programme « Museum facing extinction » (les musées font face à l’extintion). Une allusion à la sixième extinction des espèces ? 

Diane Drubay : Extinction des espèces, de la biodiversité, oui. Mais aussi extinction des modes de vie dans lesquels nous sommes depuis des années. Extinctions des pratiques. Mais aussi la question de l’extinction des musées est une problématique assez forte. Elle l’est encore plus avec la crise sanitaire quand on voit que les musées sont fermé depuis plusieurs mois, quand on lit cette tribune dans le Monde demandant la réouverture des musées. Est ce que l’on est pas en train de faire face à l’extinction des musées ? La question est assez large mais la pérennité des musées passe par la capacité à devenir des acteurs positifs dans le changement de nos sociétés et d’un futur meilleur. C’est ce à quoi nous travaillons à We Are Museums.

Parlons justement de ces changements : quel rôle peuvent jouer les lieux culturels (et plus particulièrement les musées) face à cette actuelle crise écologique (crise de la biodiversité, dérèglement climatique…) ? Est ce uniquement en apportant des clés de compréhension ? En façonnant une nouvelle sensibilité chez leurs publics ?

Diane Drubay : c’est en l’occurence la question que l’on s’est posée lors de notre premier événement en 2019. On a invité plusieurs professionnels de musées qui ont déjà expérimenté la question de la transition écologique et de la transformation verte. A l’issue de cet atelier, on a créé une une roadmap visuelle qui propose quatre niveaux d’action, en partant d’une échelle individuelle  :

Museum Facing Extinction : quatre niveaux d’action
Museum Facing Extinction : quatre niveaux d’action

1- Si le musée veut faire prendre conscience aux communautés et visiteurs de leur potentiel d’action, de transformation, il devait commencer par lui même adopter un comportement plus responsable (énergie, empreinte écologique des expositions, attention portée à l’ensemble son équipe, aux générations futures, sobriété digitale…). Soit imaginer comment en tant que lieu, en tant qu’équipe le musée peut changer son mode de fonctionnement et devenir un modèle pour d’autres institutions…

2- Montrer que le musée vit dans un écosystème et que celui-ci outrepasse les murs du musée. A We Are Museums, nous avons appelé cela le Museumhood (le voisinage) : imaginer que le musée n’est qu’un voisin comme les autres et imaginer des relations symbiotique avec ses voisins, sa communauté locale. Cela peut être en considérant le musée comme une ressourcerie, un espace de dialogues, d’échanges… Un espace social et protéiforme qui peut devenir différentes choses en fonction des besoins de l’écosystème.

3- Le musée a une voix : il est respecté, entendu, parfois critiqué. Et il doit pouvoir utiliser sa voix et la faire entendre. Il peut héberger des échanges autour de différents mouvements : Extinction Rebellion ou Friday for future ou d’autres. En accélérant ces échanges, il peut faire accélérer ces changements.

4- Imaginer l’écosystème muséal comme un écosystème international pour changer les pratiques, le système et imaginer de meilleurs futurs. Avec plus de 80000 musées qui vont dans une direction plus verte, plus éthique, l’impact peu être assez fabuleux.

Comment participer / apporter sa pierre à We Are Museums ?

. Venir sur la communauté et participer aux meet-up
. En mars We Are Museums, va devenir une coopérative. Certaines personnes pourront en devenir associées.

 

 

 

 

 

 

Auteur
Je m’appelle Cyril Leclerc. Je propose, en tant qu’indépendant, du conseil et de l’accompagnement en communication dans les domaines culturels et artistiques. Diplômé en Histoire de l’Art et en Ingénierie culturelle, je me suis, au fil de mon parcours, spécialisé dans la communication culturelle, jusqu’à en faire mon métier. J’ai notamment été pendant sept années, chargé de la communication culturelle à l’Abbaye aux Dames, la cité musicale (Saintes – France). Je m’intéresse particulièrement à la façon dont on peut mettre les outils marketing au service de projets culturels et comment la communication peut enrichir un projet culturel, lui apporter du sens…