« Un contenu culturel qui va pouvoir être présenté auprès de plusieurs audiences, différentes, dans des lieux différents. » C’est ainsi que Manon Delaury définit l’itinérance. Cette spécialiste des expositions itinérantes internationales a co-créé Teo : une plateforme ressource pour partager, apprendre et connecter sur les itinérances internationales. Elle a bien voulu répondre à nos questions.
« Une ressource globale et vivante »
Bonjour Manon, comment et pourquoi en êtes-vous arrivée à créer Teo ?
Nous avons créé Teo il y a 3 ans, avec Fabian Niel, avec l’envie de construire une ressource globale et vivante où l’ensemble des acteurs de l’itinérance pourraient se retrouver, et trouver et partager des informations utiles, qui faciliteraient le développement de projets d’itinérances.
Nous avons construit la plateforme en dialogue avec de nombreux acteurs du secteur, pour créer une ressource qui soit utile à la fois pour les lieux et acteurs qui recherchent des expositions à présenter et intégrer à leur programmation future, pour les producteurs qui souhaitent trouver des lieux partenaires pour développer leurs tournées d’expositions, mais aussi pour toute la nébuleuse de spécialistes qui soutiennent et accompagnent les projets d’itinérance, tels que les experts en logistique ou en mobiliers modulaires. Nous partions du constat que le monde de l’itinérance est très diversifié, très riche, avec ses acteurs dispersés partout dans le monde. L’idée était de leur proposer un lieu d’échange, d’écoute et de partage, et une voix, une visibilité, un terrain d’expression de cette richesse de projets, d’acteurs et d’idées. Nous avons conjugué mon expertise en itinérances et l’expertise technique et web de Fabian, et nourri notre projet de riches échanges avec des acteurs internationaux.
Pourriez-vous nous expliquer le principe d’itinérance ?
Il existe plusieurs perspectives sur ce qu’est une itinérance. Mais l’essentiel se tient dans l’idée qu’un contenu culturel va pouvoir être présenté auprès de plusieurs audiences, différentes, dans des lieux différents. La plupart du temps, il s’agit d’un contenu qui va être présenté dans plusieurs lieux culturels distincts, successivement. Souvent il s’agit de la présentation d’une expérience culturelle avec une collection d’œuvres ou d’objets. Mais l’itinérance peut se définir sous de multiples formes, d’autant plus qu’on assiste aujourd’hui à une diversification des modèles, de l’objet d’itinérance, et des collaborations qu’elle induit. Ainsi, un contenu dématérialisé peut circuler, le partenaire d’accueil assurant alors la production et l’installation de l’exposition. Un même contenu peut faire l’objet de présentations simultanées, notamment avec ces formats dématérialisés, et les expériences basées sur des projections immersives. Et les partenaires d’accueil, qui sont traditionnellement des institutions culturelles localisées dans une ville, peuvent aussi être des acteurs de l’événementiel, du spectacle, et des acteurs multi-lieux.
Et pourquoi les expositions itinérantes ont besoin d’une plateforme ?
Lorsqu’un acteur, une institution, recherche un projet pour sa programmation à venir, il est parfois difficile d’avoir, rapidement, une vue d’ensemble de ce qui est proposé, et qui peut être pertinent dans l’offre foisonnante d’expositions. Parcourir l’ensemble des offres, de site en site d’institutions internationales, prend beaucoup de temps, et les présentations aux événements, qui sont très utiles pour avoir une idée de l’offre contemporaine, sont ponctuelles. Avoir une plateforme permet d’apporter une vue d’ensemble des projets disponibles, et de trouver, en quelques clics, avec des filtres simples, une sélection de projets qui correspondent aux critères d’accueil, de taille, de dates, de thématiques par exemple. L’outil plateforme permet également de développer et d’agréger des contenus et outils concrets qui peuvent aider les acteurs de l’itinérance dans leurs activités, et explorer et avancer sur des enjeux importants pour le secteur. Sur la plateforme nous partageons des études de cas, des entretiens, des outils et des articles de réflexions, et nous conduisons des recherches, telles que celle entreprise actuellement avec notre sondage sur l’avenir des expositions itinérantes, en collaboration avec Culture Connect, afin de nourrir une réflexion commune et de proposer une ressource vivante pour soutenir les acteurs qui produisent et accueillent des expositions.
« L’enjeu est à présent de construire des itinérances qui fassent sens. »
Faire circuler les œuvres, les expositions, les personnes… Est ce encore compatible avec les défis environnementaux actuels ?
C’est une question essentielle qui est un véritable levier de réflexion, d’enjeux et de créativité dans les itinérances. A priori, la circulation des expositions pose évidemment question puisque la logistique induite est souvent importante, les productions scénographiques entraînent parfois des déchets conséquents. Et elle doit aussi être pensée dans son impact social, avec un accès qui peut parfois privilégier de grandes villes et des prix d’entrée élevés, qui peuvent exclure certains publics. Fondamentalement, les expositions itinérantes peuvent être une ressource importante de développement durable, notamment puisqu’elles amènent les contenus au plus près des visiteurs.
*Et nous avons un rôle important à jouer, nous les acteurs de l’itinérance et de l’exposition, pour le développement de pratiques éco-responsables et durables, dans la culture et au-delà. L’enjeu est à présent de construire des itinérances qui fassent sens. Et l’on voit le mouvement se développer dans notre écosystème avec à la fois, des acteurs qui de manière volontariste, encouragent tous les aspects intrinsèquement durables de l’itinérance (empreinte visiteurs réduite, accessibilité élargie, dynamisme économique etc), des acteurs qui participent à la sensibilisation aux enjeux environnementaux et sociaux de la crise actuelle, à travers les thématiques mêmes des expositions, et un travail collectif de réduction des impacts négatifs des projets, avec une véritable transformation des modèles qui peu à peu, sont pensés avec une ambition durable première, pour un impact positif, non seulement environnemental, mais également social, diplomatique et économique. Pour soutenir cette transformation, la plateforme intègre une page dédiée au durable dans les itinérances, qui partage des réflexions, études de cas et des projets d’expositions qui traitent de ces enjeux*.
Quels seront les prochains rendez-vous pour l’itinérance et pour Teo ?
Nous sommes à Museum Connections les 17 et 18 janvier, avec le Pavillon des Expositions Itinérantes et la conférence Expériences et innovations dans les itinérances.
Nous serons ensuite à Londres pour le Semmel Exhibitions & Teo Flea Market, où seront présentées de nombreuses expériences itinérantes, lors de l’événement ILMC. Puis notre événement Teo Live aura lieu le 11 mai, en ligne. Nous y présenterons les résultats du sondage sur le futur des expositions itinérantes, qui partagera notamment une perspective collective sur les enjeux du durable, puis nous y accueillerons de nombreux producteurs internationaux, qui présenteront leurs dernières expositions en itinérance.
* D’autres articles (en anglais) sur le développement durable sont aussi à consulter sur le site de Teo :
– les expositions itinérantes comme ressources pour un développement durable dans la culture
– le sensible blockbuster, une réflexion pour définir un nouveau paradigme pour un modèle durable
