Que connaissent les publics de nous ? Comment nous voient / perçoivent-ils ? Des interrogations pour lesquels nombre de structures culturelles aimeraient obtenir des réponses. Ces données, il est possible de les obtenir en menant une étude d’image et de notoriété.
C’était l’objet de cet atelier du SITEM qui présentait, en étude de cas, une collaboration entre l’agence L’Oeil du Public et le Musée de l’Armée.
Appréhender le positionnement du musée…
Adrian Mohr de l’Œil du Public a d’abord donné la parole à Angelina Infantini et Joséphine Dezellus du Musée de l’Armée afin de rappeler les enjeux de l’institution.
Ce musée accueille 1,2 million de visiteurs chaque année (dont, avant la crise du COVID, 70 % de touristes internationaux). Il abrite une des plus grandes collections d’art et d’histoire militaire, comprend également dans sa visite, le Dôme des Invalides et le tombeau de Napoléon 1er. Un nouveau Projet Scientifique et Culturel a été rédigé et un projet d’extension (2024/30) prévoit d’en faire un musée de l’histoire militaire mondiale avec, notamment, un parcours dédié à l’histoire du bâtiment et un autre sur la colonisation / décolonisation.
A cela, vient s’ajouter la réorganisation des services et notamment, la création d’une direction du développement et des publics (avec un département dédié aux études des publics, la mise en place d’une stratégie de développement des publics).
Ce service avait besoin d’appréhender le positionnement du musée dans le paysage culturel parisien et plus particulièrement auprès des nationalités les plus représentées aux sein de leurs visiteurs. Mais aussi, d’appréhender des hypothèses émises par l’équipe du Musée de l’armée et issues d’études ponctuelles :
. La confusion entre le musée et le monument (Hôtel des Invalides),
. La Perception du Musée rendue complexe par l’ampleur du lieu et une association à l’histoire militaire plutôt qu’à l’Histoire de France,
. Une attractivité auprès du public francilien perfectible.
Après discussion avec les équipes de L’Œil du Public, le Musée de l’Armée a fixé 4 objectifs pour cette étude :
. Identifier les profils et les pratiques des répondants à l’étude
. Mesurer les différents niveaux de notoriété et de fréquentation du musée . Analyser l’image du lieu et évaluer l’expérience de visite
. Connaître les attentes des publics, leurs intentions de visite
La méthodologie : une étude quantitative via un panel en ligne
Ces objectifs fixés, un questionnaire a été élaboré (par l’Œil du Public en lien avec les équipes du musée). Pour les études d’images et de notoriété, il est nécessaire travailler sur un panel (un échantillon précis et représentatif de population). Pour cela l’agence a fait appel à un panéliste qui collecte et traite des données. Certes, il est possible de mener des études auprès des publics via des données contenus en interne. Mais dans le cas où la structure souhaite analyser sa notoriété, le travail avec un panel est nécessaire car il permet de baser l’analyse sur un échantillon représentatif.
Dans le cas de cette étude, cinq pays ont été étudiés (France, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni et États-Unis) et des populations âgées de 18 à 65 ans, représentatives au niveau national, ont été interrogées (5500 personnes en tout). En France, l’accent a été porté sur l’île de France. Le questionnaire a lui été élaboré selon une arborescence qui permettait de proposer des questions selon le profil du répondant.
Par exemple : si celle-ci a visité le musée, on peut l’interroger sur son expérience de visite. Dans le cas contraire on peut lui demander s’il elle a l’intention de le visiter ou non et pourquoi. Dans ce type d’étude, il est possible de mesurer la notoriété spontanée (l’interrogé cite directement le lieu culturel) et la notoriété assistée (l’interviewé choisit le(s) lieu(x) qu’il connait à partir d’une liste prédéfinie de musées et de monuments). Pour évaluer la notoriété spontanée du Musée de l’Armée, la question suivante a été posée : « quels sont les musées parisiens que vous connaissez ? » Pour la notoriété assistée, la question posée était fermée : « parmi la liste de musées suivants, lesquels connaissez-vous au moins de nom ? ».
L’étude a, par exemple, permis de montrer que, en ce qui concerne la notoriété spontanée, chez les publics étrangers, les Invalides arrivaient (9e position) avant le Musée de l’Armée (13e)… Mais aussi que parmi la population française interrogée, la notoriété des Invalides et du Musée de l’Armée était forte chez les plus âgés et les habitants de l’Île de France.
Mais il est possible aussi d’aller plus loin. Il est intéressant de connaître les sources de notoriété chez chacun des publics (communication, bouche à oreille, web…). Ou de déterminer, parmi les publics qui connaissent un lieu, qui l’a visité, le visite ou souhaite le visiter… Et quels espaces ils ont visité. L’Œil du Public a ainsi pu montrer que certaines personnes visitaient le Musée de l’armée en pensant que c’étaient Les Invalides… Ou que nombre des visiteurs avaient visité le tombeau de Napoléon, ou la Cathédrale Saint-Louis mais peu avaient découvert le Musée des Plans-Reliefs ou le Musée de l’Ordre de la Libération…
Enfin l’étude permet de discerner comment les publics (avec la possibilité de segmenter selon leur origines géographiques) se représentent le lieu en posant une question ouverte (« pour moi les invalides c’est… » ). Le questionnaire permet aussi de révéler les motivations des visiteurs : apprendre, vivre des émotions, y venir pour de événements…
Pour le Musée de l’Armée, les résultats ont révélés une vraie ambiguïté dans l’image. Alors que l’équipe s’attendait à voir Napoléon en tête, l’étude a en fait montré une vraie variété dans la manière de se représenter l’institution muséale.
Clarifier l’image du lieu, mieux prioriser les publics…
Au final, cette étude a permis à l’équipe du musée de confirmer certaines de leurs intuitions. Mais surtout commencer à formaliser une feuille de route pour sa stratégie à venir. Notamment en clarifiant et en assumant l’identité du lieu : l’équipe s’est rendu compte qu’elle avait tout intérêt à associer le nom du Musée de l’Armée aux Invalides (Une campagne de communication institutionnelle avec l’accroche « Aux Invalides, il y a aussi le Musée de l’Armée » a été mise en place).
D’autres pistes ont vu le jour comme par exemple :
. créer des passerelles entre monument et collections (avec une signalétique plus globale, avec une attention apportée à l’histoire du site dans le projet d’extension du musée),
. dédramatiser le côté militaire et mettre en avant la partie « Histoire de France et du Monde » notamment via des actions de storytelling (podcasts, réseaux sociaux, partenariat avec Artips (lien)),
. faire un effort de programmation : expositions, soirée, nocturnes…
Enfin l’étude a conduit le musée à repenser la priorisation de ses cibles (priorité au public francilien, public étranger à traiter dans un second temps) et aussi à décliner sa communication en l’adaptant a des communautés thématiques en lien avec la culture populaire (films / jeux vidéos / escape game….).