De la curiosité, des goûts éclectiques, un humour à tout épreuve, une envie de faire rêver les visiteurs… Et beaucoup de professionnalisme… Ce sont quelques mots qui nous semblent caractériser Claire Casedas, créatrice de l’agence de muséographie et scénographie Fun in Museum et du blog Musée-Oh!
Nous avons invité Claire à souffler la première bougie de son agence sur communicant.info et, au passage, à répondre à nos questions !
« la Tarantino des musées »
communicant.info : Bonjour Claire ! Pourriez-vous nous présenter votre parcours ? Comment décririez-vous votre métier ?
Claire Casedas : D’une manière paradoxale, je suis devenue scénariste d’exposition par hasard et par évidence : un cursus d’histoire de l’art et de muséologie, une passion des musées depuis l’enfance, un amour de l’écriture et une imagination bouillonnante. J’ai su trouver dans ce métier toutes les choses que j’aime éperdument. Je vis mon métier comme une chance et un moyen de m’évader, de rêver. Quand j’imagine une exposition, c’est aussi ce que je recherche pour le public : le « transporter » dans un ailleurs, lui faire éprouver des émotions, piquer sa curiosité et son imaginaire en lui racontant une histoire avec des surprises et une aventure à la clé. Un peu comme lorsqu’on sort d’une salle de cinéma et que l’on a l’impression d’être parti très loin… Il y a quelques mois, quand j’ai décrit mon métier à une personne d’un tout autre domaine, elle m’a répondu avec enthousiasme : « en fait tu es la Tarantino des musées quoi ». La comparaison m’a beaucoup flattée et m’a fait plutôt rire !
C.I : Pouvez-vous nous raconter comment et pourquoi vous en êtes arrivée à créer « Fun in muséum » (NDR : l’agence vient de fêter son premier anniversaire) ?
CC : Après presque 5 ans passés en agence, à la tête du service de muséographie, j’ai décidé de reprendre ma liberté pour vivre mon métier différemment. J’avais envie de plus de créativité, d’innovation et de folie. Je souhaitais aussi développer des projets plus en accord avec ma personnalité, ma vision des musées qui transparaît sur mon blog « Musée-Oh ! » et dans mes recherches universitaires sur le rapprochement entre les musées et les parcs d’attraction, le spectaculaire muséal et l’experience economy.
Fun in museum est le point de convergence de toutes mes expériences à la fois professionnelles ou plus personnelles. Cette entreprise porte une ambition : oser un musée plus fou, plus fun et toujours plus accessible, ce qui n’exclut pas qu’il reste qualitatif dans les propos transmis et dans les expériences offertes.
» L’expérience ? Pas seulement de la poudre au yeux ! «
C.I : Aujourd’hui on parle beaucoup de l’importance de faire vivre une expérience au visiteur… Qu’en pensez-vous ? Et que proposez-vous ?
CC : C’est devenu en effet une expression à la mode, un slogan qui s’affiche dans la communication muséale comme une promesse. Encore faut-il que ce ne soit pas seulement de la poudre aux yeux ! A mon sens, faire vivre une expérience au visiteur est essentielle. Elle est au cœur de notre métier, que nous soyons médiateur, conservateur, scénographe ou muséographe. Qu’elle soit ludique, pédagogique, artistique… Elle doit surtout être conviviale et mémorable. Elle doit marquer et susciter une réaction du public : étonner, immerger, sensibiliser, engager et même choquer si le sujet s’y prête pour faire prendre conscience.
Créer une expérience muséale nécessite selon moi l’écriture d’un vrai scénario de médiation, considérant le visiteur comme un média à intégrer dans un ensemble et à « utiliser ». Chez Fun in museum, notre marque de fabrique est de rendre le visiteur « spect’acteur », en le rendant à la fois actif et passif au cours de son expérience. On utilise son corps entier dans l’espace qui se connecte aux expôts et les active. On utilise aussi son esprit et tous les registres de l’émotion, pour faire varier son comportement. Rythme, rebondissement, émotion, sensation et partage, sont les secrets d’une expérience « spect’acteur » réussie. Spect’acteur® est d’ailleurs aujourd’hui toute une gamme de produits et de services que j’ai développée ! Ma clientèle m’attend là-dessus et je fais au mieux pour transformer cette signature en réalité dans mes projets.
C.I : Ludique ou du didactique, de l’interaction (visite en groupe) ou de l’introspection (visite en solo), Spécialiste ou néophyte… Est-ce que répondre aux attentes d’un public ce n’est pas faire le grand écart ?
CC : C’est la vraie difficulté : vouloir contenter tout le monde et finalement ne contenter personne ! Au commencement d’un projet muséo, une analyse et un choix des publics-cibles sont indispensables. C’est au final comme une étude d’usagers et de clientèle qui nous permet d’adapter au mieux le produit en fonction de leur profil, de leurs attentes et de leur comportement. Au muséographe ensuite d’en déterminer les niveaux de lecture pour chacun et de mutualiser les outils en optant pour une médiation universelle avec différents degrés de découverte. C’est en effet une vraie gymnastique !
« Ne pas impliquer le visiteur est pour moi passer à côté d’un projet d’exposition »
C.I : Impliquer le visiteur, est-ce primordial ? Comment procédez-vous ?
CC : Ne pas impliquer le visiteur est pour moi passer à côté d’un projet d’exposition. Lorsque j’imagine mes scénarii, j’essaie toujours de m’interroger sur ce qui me plairait personnellement de vivre dans cette exposition, ce qui rendrait cette expérience unique. Ensuite j’interroge systématiquement mon entourage, des personnes de tous horizons pour obtenir leur point de vue et connaître leurs envies. C’est important de ne pas réfléchir qu’entre spécialistes.
C.I : A communicant.info, on s’intéresse beaucoup à la manifestation d’un « projet de sens », à la traduction d’un ADN… Comment procédez-vous dans la conception de vos expériences visiteurs ?
CC : Lorsque je bâtis un scénario d’exposition, je pars toujours d’une phrase concept, d’un slogan qui va structurer le fond et la forme du projet. Des mots clés et des images qui trouvent une résonnance dans le découpage thématique, les outils de médiation, le design, la colorimétrie, les matières… On donne ainsi une identité propre à l’exposition, une signature. Chaque ingrédient s’articule et fait écho au sens, à l’essence du projet.
« Les outils numériques ? Un moyen et non une fin en soi »
C.I : Que pensez-vous des outils digitaux : sont-ils nécessaires ? Indispensables ?
CC : Les outils digitaux sont de merveilleux médias à intégrer dans les expositions. Ils répondent aux envies high tech de certains publics et provoquent des effets « waouh ». J’aime les utiliser : un tapis magique ici, un mur interactif, une boîte immersive, un serious game… Mais il ne faut jamais les employer pour eux-mêmes, sans qu’il y ait un message véhiculé, une intention pour le visiteur de lui faire appréhender un sujet différemment. Ils restent un moyen et non une fin en soi.
C.I : Vous avez aussi créé Musée Oh ! Un blog qui aborde la muséologie de façon ludique, décalée… Sans doute un rapport avec « Fun In Museum ? Pouvez-vous nous le présenter ?
CC : Musée-Oh ! est en effet une préfiguration de Fun in museum, une première marche initiée en 2010 lorsque j’étais en thèse de muséologie sur la disneylandisation des musées. A l’époque, les musées commençaient tout juste à être présents sur les réseaux sociaux, Museomix n’existait pas, les blogs culture étaient rares et parlaient surtout d’expos d’art.
J’avais envie de montrer une autre image du musée, moins sérieuse et plus drôle ; la manière dont je les voyais : un terrain de jeu, un vivier de créativité et d’innovation. Le succès a rapidement été au rendez-vous à ma grande surprise ! Aujourd’hui l’aventure se poursuit surtout en agence avec Fun in museum mais j’essaie de continuer les publications pour répondre aux sollicitations. Malheureusement, le temps me manque un peu…
Et enfin les désormais fameuses questions indiscrètes !
– Quel est le réseau social dont vous ne pouvez pas vous passer ?
Pinterest ! J’y pioche et partage mes inspirations à la fois personnelles et professionnelles.
(NDR : Musée-Oh ! est cependant présent sur Twitter, Fun in Museum est sur Facebook et vous pouvez retrouver / contacter Claire sur Linkedin )
– Quelle est la discipline artistique ultime pour vous ? (celle qui surpasse les autres ?)
Les jeux vidéos car ils nécessitent un scénario et une intrigue de qualité, des développements techniques, des effets spéciaux, du ludique et de l’immersion. Ils nous font voyager autant que le cinéma, la possibilité pour le public d’interagir avec le média en plus !
– Quelle est votre meilleure expérience culturelle / artistique ?
Question difficile ! Comment en choisir une seule ? Je dirais la projection marathon de la trilogie
Retour vers le futur, mon film préféré, au Grand Rex l’année dernière pour célébrer l’arrivée de Marty en 2015 lors du second volet. Visionnage avec pyrotechnie et effets spéciaux, concert, exposition des objets cultes… ils avaient frappé fort, un superbe souvenir.
– Quels sont vos 5 lieux culturels favoris ?
Le Taj Mahal que j’ai visité en 2010, les glyphes de Nazca au Pérou que j’ai survolé cet été, le Musée des Arts Décoratifs dont ses expos mode, le Musée de la Bande-dessinée à Bruxelles et le Château d’Auvers-sur-Oise qui m’a initié à la magie des parcours-spectacles en 2005.
– Qui est votre artiste préféré(e) ?
David Bowie car c’est un artiste total qui aura innové jusqu’au bout ! A votre question « meilleure expérience culturelle / artistique », j’aurais aussi pu répondre l’expo Bowie à la Philharmonie de Paris, une rétrospective magique.