Développement et stratégieMuseum Connections

Museum Connections : se transformer en s’ouvrant à d’autres secteurs

Les Musées sont des lieux de créativité à plus d’un titre, et pas uniquement au niveau artistique. Depuis quelques années, les lieux culturels ont la possibilité de s’ouvrir à d’autres secteurs et certains ont décidé de saisir cette opportunité pour se transformer.
Le musée devient un lieu hybride croisant les publics, les spécialités mais aussi les ambitions de changement sociétal.
« Se transformer en s’ouvrant à d’autres secteurs » était le thème de cette table-ronde du salon Museum Connections. Une transformation résiliente, puisque choisie et non subie, bien qu’accélérée par la crise de la COVID 19.

Impliquer les habitants

Sophie Kervran, Directrice, Musée de Pont-Aven et Musée de la Pêche / CCA et Abla Benmiloud-Faucher, Chef de mission de la stratégie, de la prospection et du numérique, Centre des monuments nationaux

Sophie Kervran et Joana Idieder, respectivement Directrice du Musée de Pont-Aven et du Musée de la pêche ; et responsable de la communication au Musée d’Art Contemporain du Val (MAC VAL), ont ouvert le bal de cette table-ronde. Ces trois établissements ont une vocation et une histoire différente. Ouvert en 1995 et rénové en 2016, le musée de Pont-Aven est l’un des musées les plus fréquentés de Bretagne (environ 2 millions de touristes). Le Musée de la Pêche à Concarneau, inaugurée en 1961, bénéficie d’une solide réputation. Quant au MAC VAL, installé en banlieue sud de Paris, il a permis de créer du lieu artistique sur un territoire qui « ne voulait pas forcément des musées ».

Pourtant, c’est avec les habitants que les équipes de ces Musées ont souhaité renouer en priorité. Et dans les trois cas, c’est un travail « participatif » qui s’est engagé, intégrant les habitants dans la réflexion, la création et la médiation.
À Pont-Aven les habitants ont pu voter pour les objets à sortir des réserves. Les cartels ont également été réécrit par un centre socio-culturel (« plus anecdotique, plus poétique, plus décalé »), et des lycéens ont créé un podcast…
« Laisser le public aux commandes se réapproprier le patrimoine » est comme « briser un mur invisible » nous dit Sophie Kervran.
D’autres initiatives sont mises en place : interventions hors-les-murs, enregistrement de commentaires d’œuvres, partenariat avec la Mission Locale, lectures de correspondances d’artistes par les habitants… « On a pu montrer que les musées ne sont pas intimidants ».

Le MAC VAL a, quant à lui, lancé « allophone » avec la société Audiovisit : un audioguide multilingue dans lequel les artistes parlent directement au public. Les traductions sont réalisées par des volontaires dont le français n’est pas la langue maternelle et dans des langues peu habituelles : malgache, brésilien, vietnamien, coréen, catalan… Une fierté de faire entendre sa langue natale ! À noter qu’un travail a également été réalisé sur les cartels afin de « réduire l’éloignement ».

Produit par la compagnie Liminal et le Musée de la Pêche, l’opéra documentaire intitulé « Témoins de la mer » permet également de représenter de manière décalée la vie des marins-pêcheurs. Malgré les appréhensions, pari réussi : l’engagement des publics et des équipes a été au rendez-vous.

Pour toutes ces actions, Sophie Kervran et Joana Idieder s’accordent à penser qu’elles créent un cercle vertueux : les publics se sentent enrichis par ces expériences, et impliqués. Quant aux artistes ils sont curieux de connaître la réinterprétation qui est faite de leur travail.

Développer le mécénat d’entreprise

Le monde de l’entreprise a-t-il sa place dans les Musées ? D’aucuns répondraient : « méfiance ! »
En effet, par définition, une entreprise est à la recherche de rentabilité. Or le prisme de la rentabilité ne viendrait-il pas déformer, altérer, le rôle des Musées ? Abla Benmiloud-Faucher, Chef de mission de la stratégie et de la prospection et du numérique au Centre des Monuments Nationaux ; et Mathieu Boncour, Directeur de la communication et de la RSE au Palais de Tokyo proposent pourtant une vision différente du mécénat.

Ayant travaillé chez Orange, Abla Benmiloud-Faucher a connu « le côté vertueux du mécénat » par son apport de « diversité » (âges, cultures, profils, expériences…). Ainsi, et grâce au confinement, un projet de visite guidée à distance a été lancé entre novembre 2020 et mars 2021 (un délai « très court « ). Il fallait « trouver la bonne personne » nous explique Abla Benmiloud-Faucher.

Les équipes se sont formées à l’animation en numérique puis le dispositif a été expérimenté sur douze musées, via Zoom ou en présentiel. Un livre blanc vient conclure l’expérience qui a enregistré d’après Abla Benmiloud-Faucher 98 % de satisfaction.

Mathieu Boncour, Directeur de la communication et de la RSE, Palais de Tokyo et Joana Idieder, Responsable de la Communication, MAC VAL

C’est grâce à « l’alignement des valeurs » avec les mécènes et intervenants, souligne Abla Benmiloud-Faucher, que le projet a pu réussir.

Un constat également fait par Mathieu Boncour. Pour lui, le mécénat est suffisamment mature pour que les entreprises aient envie de soutenir et de s’investir dans un projet qui a du sens (inclusion, égalité, écologie…). C’est pourquoi une dizaine de mécènes soutiennent actuellement le Palais de Tokyo pour 1 million d’euros en 2 ans.

Le Palais de Tokyo a notamment décidé d’être accompagné dans une démarche de transition, à la fois écologique et sociétale. Nommé programme « Palais Durable » cette démarche de transition est animée par des partenaires et des entreprises, engagées historiquement et bénéficiant de savoirs et d’expériences en matière de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises – NDR) plus important.

Aujourd’hui le Palais de Tokyo organise son mécénat sous plusieurs cercles (Le cercle Art & Écologie et le cercle Art & Société) et poursuit ses projets (un accompagnement en compétence et en financement d’un bilan carbone). Comme Mathieu Boncour l’affirme, on est loin « du côté gros chèque qui signifierait une baisse d’indépendance ».

Approfondir le dialogue entre les arts et les sciences

L’art peut être bénéfique pour la santé. Depuis 2020 la crise du COVID a eu un impact inattendu : le nombre de consultations auprès des psychiatres et des psychologues a augmenté tandis que l’on a abordé un peu plus les questions de santé mentale. Ce dont peuvent témoigner Delphine Houba, Échevine de la Culture, du Tourisme et des Grands évènements et du Matériel communal à la Ville de Bruxelles ; et Emmanuel Demarcy-Mota, Directeur du Théâtre de la Ville à Paris.

Delphine Houba, Echevine de la Culture, du Tourisme, des Grands évènements et du Matériel communal, Ville de Bruxelles

La ville de Bruxelles soutient actuellement plusieurs projets, dans et hors des hôpitaux, sur le thème de la santé : cela va du soutien d’associations (par exemple « Clowns à l’Hôpital ») à la création de podcasts, ou encore, de projets permettant d’ouvrir les hôpitaux à la culture, afin que patients et soignants en profitent (par exemple, la réalisation d’une exposition de photographies dans des halls d’hôpitaux).

La ville de Bruxelles est même allée plus loin, en intégrant la culture et les musées dans le processus de soins. Inspirée d’un programme mis en place au Canada, Delphine Houba a lancé les « prescriptions muséales ». Les patients, volontaires et sur demande, sont invités à se rendre dans un lieu culturel partenaire, pour vivre une expérience différente. Accueillis par un personnel formé, le patient pourra ensuite débriefer avec son médecin. C’est un projet coconstruit entre santé, juridique et culturel. C’est un dialogue, nécessaire, entre les musées, les équipes qui accueillent et les médecins.

Emmanuel Demarcy-Mota a une expression très intéressante pour désigner ce rapport entre les arts et les sciences : il parle de « nouvelle(s) alliance(s) nécessaire(s) ».

Emmanuel Demarcy-Mota, Directeur, Théâtre de la Ville et Delphine Houba, Echevine de la Culture, du Tourisme, des Grands évènements et du Matériel communal, Ville de Bruxelles

Le Théâtre de la Ville de Paris a entamé un cycle de travail avec différentes Universités sur des thèmes aussi vastes et variés que le comportement humain ou encore le temps, l’espace et la matière. Cela a permis entre autres la création de la Troupe de l’Imaginaire durant la pandémie. Cette troupe propose des « consultations poétiques » : les artistes, en blouses blanches, interviennent auprès des patients (volontaires, encore une fois, et encadrés par des médecins) pour vingts minutes de dialogue entre danse, musique et théâtre. Le projet, à vocation durable, réunit plus de 200 artistes, de 22 nationalités différentes, dont 90 comédiens intervenants directement à l’hôpital, rejoints par 10 médecins et scientifiques associés. Il touche aussi bien des écoles que des établissements de santé.

Ce rendez-vous est autant une parenthèse intime (nous sommes bien dans le secret médical) qu’une attention portée à l’autre. Le projet ammène très justement poser ces interrogations : « qu’est-ce que le soin ? » et « Que reconnaît-on comme étant le soin ? ».

Social, écologie, santé, science, éducation, économie… Des projets qui montrent combien la culture est transversale. Et si la culture est un sujet si transversal, c’est bien car elle fait de nous des êtres humains. Comme le disait le poète latin Publilius Syrus :

Sans culture, l’esprit s’use et perd son ressort : une vie imbécile est semblable à la mort. »

De belles réussites, de beaux modèles et un pied-de-nez intelligent à ceux qui jugeraient encore la culture comme « non essentielle ».

Autrice
Amatrice d’arts visuels et de digital, je suis également une partenaire multifacette sur la communication, le marketing et le web. Je mets mes compétences à disposition des entrepreneurs et structures culturelles pour les inspirer, de manière à ce qu’elles soient le moteur de leurs projets culturels. Vous restez architecte de votre communication, à laquelle j’apporte plus de cohérence.