PublicsUncategorized

A la Maison de la Poésie : des actions culturelles pour que les mots pansent les maux…

À la Maison de la Poésie, les actions culturelles s’attellent à faire entendre la parole des publics en situation d’exclusion, pour que les mots pansent les maux.

Dans la magnifique bibliothèque de la Maison de la Poésie nichée dans son sous-sol, nous rencontrons Armelle Stepien, responsable du développement et de la médiation culturelle à la Maison depuis 2018. Experte en relation aux publics, enseignante à Sciences Po Paris et à l’Université, elle a auparavant travaillé au Théâtre de la Colline, au Théâtre de Chaillot, au Théâtre de l’Odéon et à la Comédie de Reims. « Ici, à la Maison de la Poésie, mon poste a trait autant à la dimension de développement des publics au sens presque marketing du terme, qu’à la médiation auprès des publics. Ces deux postes sont généralement peu connectés entre eux dans les théâtres, ce sont souvent des services séparés. » Mais ici, ils sont liés et permettent d’englober dans une même réflexion et une même intention la question du renouvellement des publics d’un côté, et celle de l’accès et de la participation des publics non familiers des scènes du spectacle vivant de l’autre.

Photo d'Armelle Stepien, responsable du développement et de la médiation culturelle à la Maison de la Poésie
Armelle Stepien, responsable du développement et de la médiation culturelle
à la Maison de la Poésie

« Faire vivre la littérature autrement »

Parmi les missions de la Maison de la Poésie, il y a donc l’accès à la culture pour le plus grand nombre, avec des orientations soutenues par la ville de Paris : aller notamment vers le champ scolaire et les publics éloignés de la vie culturelle. On se rappelle que la lecture est déclarée « grande cause nationale » par le chef de l’état en 2022. On touche ici au cœur de la mission de l’institution, baptisée « scène littéraire » : Olivier Chaudenson, son directeur depuis 2013, a souhaité en ce sens mettre en place un programme d’Éducation Artistique et Culturelle avec pour ligne directrice de « faire vivre la littérature autrement ». Pour Armelle Stepien, faire vivre la littérature équivaut à « se situer au cœur des mots, de leur sens et les éprouver aussi au travers des sens ».
Le programme d’actions culturelles qu’elle a développé, Écoutez lire les bruits du Monde, propose des ateliers d’écriture et de lecture à voix haute, des restitutions sur scène ouvertes au public, et, dans certains cas, donne lieu à des publications. Des actions ont été montées en partenariat avec le Samu social de Paris, Emmaüs Solidarité, le Centre d’Action Sociale de la ville de Paris (CASVP), ou encore les Services pénitentiaires d’insertion et de probation de Paris (SPIP), des Hauts-de-Seine et d’Essonne.

Un renforcement des actions vis-à-vis des personnes en situation d’exclusion

« Nous nous sommes rendus compte que nos actions avaient un impact particulier et fort auprès des publics en situation de très grande exclusion. Depuis la période du covid, nous avons été très sollicités pour faire intervenir des auteurs dans des centres d’hébergement d’urgence, et dans des associations d’aide à l’insertion des personnes migrantes. (…) Les besoins de ce public, qui ne se sent pas légitime à se rendre dans des lieux comme la Maison de la Poésie, prenaient de plus en plus d’importance : nous avons décidé d’accentuer nos actions, ce qui correspondait aussi à un souhait des Fondations qui nous soutiennent. », précise Armelle Stepien.

10 Mai 2023, Paris. A la maison de la poésie, des résidents du centre d'hébergement du samu présentent sur scène le fruit de 4 années d'écriture de poésie et de chants. Ils sont accompagnés d'Arthur H. Ici, Marvin déclame un de ses poèmes.
10 Mai 2023, Paris. A la maison de la poésie, des résidents du centre d’hébergement du SAMU présentent sur scène le fruit de 4 années d’écriture de poésie et de chants. Ils sont accompagnés d’Arthur H. Ici, Marvin déclame un de ses poèmes.
Photographie : Chia Gonzalez

En plus de faire éprouver la littérature dans l’esprit et les corps, ces ateliers permettent aux participants, par le travail de sensibilisation, d’écoute, d’écriture et parfois de mise en voix, de rejouer voire réparer le rapport à leurs propres histoires de vie, en remettant en jeu les récits intimes. « Il y quelque chose qui a à voir avec redonner de la valeur à son histoire ». Un programme en partenariat avec le centre d’hébergement d’urgence Popincourt dans le onzième arrondissement de Paris a été monté il y quatre ans, animé cette année par les écrivains Judith Perrignon et Yann Apperry. Sur la proposition d’Armelle Stepien, le musicien Arthur H a mis en musique certaines des « étincelles poétiques » produites lors des ateliers. La restitution du travail, ouverte aux publics, a trouvé place dans la programmation de la Maison de la Poésie. « Durant cet atelier, j’ai vécu des moments d’humanité extraordinaires. Nous parlions avec nos cœurs, car la poésie s’adresse à nous sans fard ou artifice », raconte Nadia, une participante.
« Ces expériences contribuent à interroger nos préjugés à tous, nos représentations, elles nourrissent notre expérience humaine. Ce qui porte notre travail, il faut le dire, c’est une foi, une ferveur dans ce que peuvent les mots. » Armelle Stepien note également que doutes et interrogations ont aussi leur place sur l’après : que se passe-t-il pour une fois l’atelier terminé ?

Des participants qui s’emparent des projets et les perpétuent

Certains participants du centre d’hébergement d’urgence Popincourt se sont constitués en « collectif poétique », Les Alphabètes, et se sont produits dans un festival « C’est pas du luxe », porté par la Fondation Abbé Pierre, en septembre 2023. Les projets sont ainsi parfois perpétués par les participants eux-mêmes qui, avec le soutien de la Maison de la Poésie, obtiennent de nouveaux financements pour se produire dans différents lieux.

Author Details
Consultante dans le secteur culturel, Ariane est partenaire de l’agence L’Œil du Public depuis 2016, au sein de laquelle elle développe les approches qualitatives et le conseil. Diplômée de Philosophie, elle bifurque par le théâtre puis les études, fait ses armes dans un institut pendant onze années avant de se mettre à son compte. Enquêtrice et analyste, elle examine, explore et démêle les questions d’image, de relation aux publics, de médiation, de communication, d’organisation, de développement de projets et de positionnement. Passionnée par le terrain et l’immersion, elle a animé des centaines d’interviews, de groupes de discussion et de réflexion, de séminaires et de sessions de co-création…