Comme l’explique le dernier rapport du Shift Project, la culture est à la croisée de nombreuses activités impactantes pour l’environnement et notamment émettrices de gaz à effet de serre (l’agriculture, le bâtiment, les transports, le numérique…). Les musées, comme les autres lieux et acteurs culturels semblent ne plus pouvoir échapper au défi de la transition environnementale.
Parmi les exemples régulièrement cités, on retrouve notamment celui de la Tate qui en 2019 avait proclamé l’urgence climatique et s’était engagé à réduire son empreinte carbone de 10 % d’ici 2023. Mais d’autres musées ont, eux aussi, pris le train de la transition environnementale en route. Voici quelques exemples, glanés au fil des conférences du salon Museum Connections.
Sensibiliser
L’ICOM (Conseil International des Musées) l’affirmait récemment : « les institutions muséales sont parmi les plus crédibles au monde ». Fort de cette position, ils ont donc un rôle important à jouer dans le fait d’informer, de sensibiliser les publics. Voire d’influencer sur leur comportements ? Comment les musées travaillent avec leurs publics sur l’avenir de la planète ?
À Nausicaa, Centre International de la mer, on constate déjà un changement dans les habitudes des publics. Ces derniers sont de plus en plus avertis quant aux questions environnementales et ont de plus envie d’agir positivement. Au Musée National d’Histoire Naturelle, on cherche à élargir le panel des publics (en quantité, comme en qualité) en développant des actions fédératrices, en menant les actions hors les murs pour « aller dans les zones blanches de la culture ». a l’image de l’exposition immersive « L’Odyssée Sensorielle ». Au Museum fur NaturKund de Berlin, où l’on rencontre un public familial, et depuis 2015, de jeunes adultes, une programmation a été développé pour le public familial / les jeunes urbain actifs politiquement.
Alors comment sensibiliser via l’écopédagogie ? À Nausicaa, on s’est donné la mission de faire découvrir mais surtout d’émerveiller, tout en proposant ais aussi des solutions / des pistes pour répondre aux enjeux environnementaux.
Au Musée National d’Histoire Naturelle, on aime impliquer les publics, notamment pour leur donner le goût des sciences naturelles et de l’observation. Le musée est aussi pionnier dans la recherche / les sciences participatives (un annuaire de tous les projets est disponible sur le site Sciences ensemble).
« Être engagé c’est exposer des faits, ce que l’on sait, ce que l’on ne sait pas »
Dans ce domaine, le musée doit-il rester neutre ? devenir militant ? Au Musée national d’Histoire Naturelle on recherche l’équilibre entre militantisme et recherche (et inversement). L’idée est d’impliquer les citoyens. Ainsi que l’affirme Agnès Parent, directrice des publics du Muséum : « être un musée engagé, c’est exposer des faits, ce que l’on sait, ce que l’on ne ne sait pas… Pour que chacun puisse se forger son opinion ». Cette question du militantisme et des générations qui arrivent avec des idées font d’ailleurs l’objet de toutes les attentions au sein de l’AMSTI (réseau professionnel des cultures scientifique, technique et industrielle, dont Agnès Parent est actuellement présidente). Quelle est la limite pour le musée ? Comment répondre à des jeunes militants ? Comment faire le lien entre la connaissance (ce que l’on sait) et l’engagement (ce que l’on peut faire)… Autant d’interrogations qui vont animer les prochaines années à venir.
Lire aussi : entretien avec Agnès parent
Planifier, mesurer
Sensibiliser les publics, certes. Mais pourquoi le faire, si le musée ne fait pas lui même des efforts ? Comment développer une politique de responsabilité sociétale et environnementale ? Cela demande, en premier lieu, du temps. Au Victoria & Albert Museum, pour mettre en place un process écologique, il aura fallu 2 ans de travail pour créer un « plan holistique (global) de développement durable ». Celui-ci a pour ambition de « permettre aux gens, à travers l’art, le design et la performance, de contribuer à une planète prospère et de façonner des avenirs durables. » Pour cela, le musée s’est concentré sur ce quoi il avait le plus d’influence… Par exemple, en réduisant en amont (avant même l’utilisation de matériaux) plutôt que de recycler.
Un démarche qui fait écho aux actions mises en place par le Museum National d’Histoire Naturelle. Celui-ci s’est engagé dans une démarche « expositions responsables ». Pour mesurer l’impact des expositions, le muséum sa mis un travail d’Analyse de Cycle de Vie complet (ACV). L’ACV consiste à analyser les impacts environnementaux d’un produit ou d’un service de sa conception à sa fin de vie. Cette analyse a, ainsi, permis d’aborder la question du recyclage des matériaux…
Même analyse du côté du Musée de Glenstone (dans le Maryland, près de Washington) : « on ne peut pas gérer ce que l’on ne peut pas mesurer ». Pour cela, des outils de reporting ont été mis en place notamment pour analyser le cycle du carbone (le carbone relâché, mais aussi celui absorbé par les arbres du parc du musée, par le sol, etc.).
« Être attentif au capital humain »
Dans la mise en place d’une politique de responsabilité sociétale et environnementale, la gouvernance est primordiale. Pour éviter de perdre du temps, il convient d’embarquer l’équipe, de permettre à tous de s’impliquer, de collaborer…
Au Victoria & Albert Museum, on cherche par exemple à augmenter les compétences de l’équipe par des séminaires sur la biodiversité, l’écocircularité ou sur l’écofinance. On vise aussi à favoriser les échanges entre pairs. Les équipes sont informées régulièrement via des rapports réguliers (financiers, fréquentation des publics mais aussi impacts environnementaux du musée : émission carbone, déchets produits, matériaux recyclés…).
Au Musée de Glenstone, on est également très attentif au capital social (comment inspirer les publics) et humain (comment former le personnel à l’écologie/ développer une culture d’entreprise dans cette optique).