Comment diversifier et fidéliser ses publics dans un lieu fréquenté majoritairement par des publics touristiques ? Comment dans ce contexte, se rapprocher des publics locaux ?
A l’occasion du Salon Museum Connections, nous avons pu échanger sur le sujet avec Cécile Rives, Administratrice de la Conciergerie et de la Sainte-Chapelle.
Communicant.info : Bonjour Cécile, pouvez-vous vous présenter brièvement et nous expliquer les enjeux que vous rencontrez en terme de développement des publics sur les sites de la Conciergerie et de la Sainte Chapelle ?
Cécile Rives : Je suis Administratrice de la Conciergerie et de la Sainte-Chapelle, deux monuments au cœur de Paris dont la part de fréquentation touristique est traditionnellement très élevée (80% de visiteurs étrangers à la Sainte-Chapelle et 60% à la Conciergerie, 80% de primo-visiteurs). La crise sanitaire et ses effets négatifs sur le tourisme ont, par conséquent, eu des effets très forts sur le niveau de fréquentation qui a chuté en 2020 et 2021. Elle nous a fait prendre conscience de la nécessité d’accentuer les démarches et projets visant à accroître l’attractivité auprès des publics locaux, tout en maintenant le lien avec le public international (avec, par exemple, le développement des visites guidées à distance grâce aux outils numériques). Les actions destinées prioritairement aux publics locaux existaient déjà avant la crise, notamment par la proposition d’expositions annuelles et par toute une série d’offres pour les publics scolaires, du champ social et les familles Mais l’impératif de renouvellement de la programmation culturelle et des parcours de visite devient encore plus fort lorsqu’il s’agit d’inviter les visiteurs à franchir plusieurs fois le seuil des monuments. Il ne s’agit nullement de prétendre remplacer les touristes internationaux par des publics de proximité mais d’intensifier les efforts de diversification des publics. Ceci est une démarche de longue haleine qui repose tant sur la qualité et le renouvellement de l’offre que sur les canaux de communication et de fidélisation des publics.
C.I : Pouvez-vous nous présenter le dispositif de l’Histopad ?
CR : L’Histopad est une tablette proposée aux visiteurs de la Conciergerie, enrichie de techniques de réalité augmentée, de reconstitutions 3D et de fonctionnalités interactives. C’est donc un guide de visite immersif qui permet de mieux comprendre l’histoire du lieu et son sens historique, qu’il s’agisse des salles du Palais de la Cité reconstituées au 14e siècle sous Philippe Le Bel ou au 18e pendant la Révolution française.
C.I : Comment avez-vous utilisé ce dispositif pour se rapprocher des publics locaux et quels retours avez-vous obtenu des publics ?
CR : Ce dispositif existait déjà depuis plusieurs années à la Conciergerie mais il n’était proposé qu’en location, avec un supplément tarifaire. Il était très apprécié par ceux qui l’utilisaient mais il touchait moins de 10% de nos publics. Voyant que l’outil était particulièrement prisé du public français avec un taux de prise plus élevé après la crise , et qu’une fréquentation plus faible autorisait ce type d’expérimentation, nous avons souhaité changer de modèle pour proposer une distribution universelle et toucher ainsi tous les publics. Ceci s’est traduit par une légère augmentation du droit d’entrée pour ceux qui en paient un et par un enrichissement proposé sans supplément tarifaire à tous les visiteurs ayant droit à la gratuité (notamment les -26 ans issus de l’Union Européenne).
L’enquête de satisfaction conduite donne des résultats très positifs (la note de satisfaction globale de la visite ayant augmenté, le rapport qualité/prix est jugé meilleur et le parcours de visite plus attractif). Globalement, si l’on constate un peu moins de primo-visiteurs dans la fréquentation du monument et plus de publics locaux, il serait évidemment très excessif d’y voir le seul résultat de cette nouvelle offre tant l’état du tourisme est encore le facteur prédominant d’explication de la variation des données de fréquentation. Ce qui est en tout cas encourageant, c’est de voir que la crise a permis de nous réinterroger sur des dispositifs existants pour expérimenter de nouveaux modèles, qui ont le mérite de profiter à tous, publics de proximité mais aussi nationaux et internationaux puisque l’outil est traduit en 7 langues.
C.I : Aujourd’hui, on parle beaucoup d’hybridation des lieux. Or le CMN a mis en place une politique d’implantation de tiers-lieux dans des monuments. Pouvez-vous commenter cette mutation ?
Premier opérateur culturel et touristique national avec la responsabilité de plus de 100 monuments nationaux, propriétés de l’État, sur le territoire national, le Centre des Monuments Nationaux joue un rôle important dans l’ancrage territorial des monuments et le développement des liens avec les publics de proximité. Ainsi, le CMN a décidé de lancer une consultation visant à implanter des activités en mesure de développer des liens entre les différents acteurs locaux à travers des rencontres informelles, de favoriser le partage, les initiatives collectives et la création de valeur économique, sociale, éducative, écologique… Afin de pouvoir vérifier ce potentiel d’hybridation et d’attractivité, mais aussi sa compatibilité avec la conservation des monuments et le fonctionnement habituel de ses activités, le CMN a lancé en début d’année une consultation pour expérimenter de telles offres dans plusieurs monuments (par exemple : château d’Angers, de Châteaudun, de Jossigny…).