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Museum Connections – Jeunes publics & innovation : quand le lieu culturel devient une école

Les initiatives de collaboration entre des musées et le milieu scolaire, déjà très présentes aux États-Unis, commencent à se développer en Europe. Leur objectif : créer des expériences éducatives enrichissantes pour les élèves et les enseignants, et enrichir l’espace muséal, qui devient alors un lieu d’apprentissage et de création.

La table ronde « Jeunes publics & innovation : quand le lieu culturel devient une école » présentée lors du salon Museum Connexions a permis de mettre en évidence les initiatives innovantes de la Fondation Cartier à Paris, et du Musée Visionnaire de Zurich, qui ont pour objectif de repenser le rapport des publics scolaires au lieu culturel en proposant des dispositifs qui transforment la salle d’exposition en espace d’apprentissage extra-scolaire.

Le premier projet présenté, l’exposition « La Vallée » de Fabrice Hyber à la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, est un dispositif innovant qui offre aux élèves une immersion prolongée dans l’univers de l’art. Cette initiative s’étend sur une année complète, durant laquelle les élèves suivent un cursus scolaire pensé en amont de l’exposition, participent à des ateliers créatifs à l’école et dans les locaux de la fondation, rencontrent des artistes et participent même à des échanges entre les classes parisiennes et vendéennes enrôlées dans le programme. Si la logistique a pu être complexe, elle faisait partie intégrante du projet, dans l’optique de permettre aux élèves parisiens de visiter l’atelier de Fabrice Hyber en Vendée et aux élèves vendéens de visiter l’exposition à Paris.

« Mettre en évidence les initiatives innovantes qui ont pour objectif de repenser le rapport des publics scolaires au lieu culturel. »

Le projet a pour objectif de stimuler la créativité et l’imaginaire des élèves, tout en leur permettant de développer un regard critique sur l’art contemporain. En effet, l’immersion prolongée dans le monde de l’art, leur permet de mieux comprendre les enjeux et le rôle sociétal de cette discipline, ainsi que les différentes approches et techniques utilisées par les artistes contemporains. Ils ont la possibilité de découvrir des œuvres inédites, de rencontrer et d’échanger, parfois même de débattre avec l’artiste, le tout dans un cadre pédagogique.

Mais le projet ne se limite pas à l’accueil des classes sélectionnées en début d’année. Il est aussi une porte d’entrée pour tous les publics de la Fondation à des réflexions sur l’art, les sociétés contemporaines, les sciences… En somme, la portée éducative du projet est accessible à tous les publics. Car l’espace de l’exposition n’est pas réservé aux scolaires, chacun et chacune peut le visiter en dehors des heures réservées aux classes. Le mobilier scolaire fait partie intégrante de la scénographie, et l’on peut même accéder à des vidéos pédagogiques qui mettent les œuvres en contexte par le biais de QR Codes présents sur les cartels.

Enfin, le projet comporte un second volet, intitulé « Les voix de la Vallée », qui se présente sous la forme de rencontres hebdomadaires dans les salles d’exposition. Ces rencontres abordent chaque semaine une thématique nouvelle liée aux grands thèmes de l’exposition et sont animées par deux spécialistes d’un domaine lié à cette thématique. L’ensemble n’est pas modéré, il s’agit d’une conversation publique entre les deux intervenant·e·s dont le but est d’inciter à la réflexion, l’ouverture d’esprit et d’apporter une meilleure compréhension du monde qui nous entoure. Ces conversations sont par ailleurs enregistrées et diffusées gratuitement sous forme de podcast sur les plateformes habituelles.

« L’espace de l’exposition n’est pas réservé aux scolaires, chacun et chacune peut le visiter en dehors des heures réservées aux classes. »

En somme, le projet « La Vallée » de la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain est une initiative novatrice qui permet aux élèves participant au programme, mais aussi au plus large public de la fondation de découvrir l’art contemporain de manière immersive et interactive, et de développer leur créativité, leur imagination, et leur regard critique sur cette discipline passionnante et plus généralement sur le monde.

Le second projet présenté lors de cette table-ronde, « L’école au Musée » est un projet d’apprentissage extra-curriculaire novateur qui se déroule au Musée Visionnaire de Zurich. Le projet a été initié en 2018 par Christina Studer, enseignante à l’école Waidhalde, et Manuela Hitz,
co-directrice du Musée Visionnaire, dans le but de transformer le musée en un lieu d’apprentissage dynamique et interactif pour les jeunes apprenants. Le programme est conçu autour d’une série de cours donnés chaque mardi matin au musée, où les élèves peuvent comprendre et contextualiser le contenu des expositions, découvrir les artistes, leur vie et leur travail.

L’une des forces du ce programme est sa capacité à encourager les élèves à réfléchir de manière critique à des questions de philosophie et de vivre-ensemble telles que l’inclusion et la diversité. En effet, les élèves explorent des biographies artistiques riches et variées qui s’éloignent des normes conventionnelles. Cette démarche met en lumière les personnes marginales de manière positive, offrant ainsi une matière à débat intéressante qui vise à stimuler l’esprit critique des élèves. Le projet initial, piloté par la ville de Zurich, a duré 3 ans avec une classe unique. Cependant, l’équipe voulait poursuivre et développer le projet, qui accueille désormais l’ensemble des classes de 4e année de l’école partenaire pendant 6 mois de l’année.

« Le succès du projet démontre l’importance d’initier et de mettre en œuvre des projets sur le temps long, avec des étudiants et des enseignants. »

Le projet “L’École au Musée » a eu un impact significatif sur le musée et ses visiteurs. Il a permis d’attirer de nouveaux publics, y compris des familles, et contribue à baisser le seuil d’inhibition de la population zurichoise, rendant ainsi l’art plus accessible. Les parents des enfants impliqués dans le projet visitent également les expositions plus régulièrement, et participent à faire évoluer la perception qu’a le grand public du Musée Visionnaire. Le succès du projet « École au Musée » a également inspiré d’autres musées en Suisse à créer des programmes similaires. Le projet est considéré comme un pionnier dans ce domaine et sert de modèle pour d’autres institutions.

Le succès du projet témoigne du courage de repenser le système scolaire, de faire les choses différemment, de parfois échouer, de mettre de côté le perfectionnisme et de donner de la place à sa créativité. Il démontre aussi l’importance d’initier et de mettre en œuvre des projets sur le temps long, avec des étudiants et des enseignants. Pour les panélistes, un temps minimum de plusieurs mois est nécessaire pour permettre une immersion dans le processus, acquérir de nouvelles connaissances et sortir du rythme rapide qui prévaut aujourd’hui, particulièrement dans les disciplines éducatives.

En fin de compte, ce que nous avons retenu de ces échanges, c’est avant tout la perméabilité des espaces muséaux aux activités éducatives. La prolifération de ces projets outre-Atlantique n’est pas surprenante au regard de leurs bienfaits, tant pour la sphère éducative – les élèves montrant une nette amélioration dans leurs résultats scolaires – que pour les espaces muséaux, dont les publics s’élargissent et dont l’accès se popularise en conséquence. Ces dispositifs innovants permettent aux musées de repenser leur approche de la médiation pour les jeunes publics et le secteur de l’enseignement, et de renforcer leur rôle sociétal en matière de transmission et d’éducation. Les projets européens qui nous ont été présentés étant avant tout le fruit du travail passionné d’un petit nombre d’individus, nous ne pouvons qu’espérer une implication plus active des institutions éducatives et muséales pour collaborer au développement à plus grande échelle d’initiatives de ce type.

Pour en savoir plus sur les deux projets présentés lors de cette conférence, découvrez nos entretiens avec Manuela Hitz du Musée Visionnaire, et Jeanne Barral de la Fondation Cartier

Auteur
Après avoir travaillé en tant que scénariste pour le cinéma et la télévision, Yann s’est spécialisé dans la communication de marque. Il aide désormais les marques à améliorer leur communication en se concentrant sur la stratégie de marque et le storytelling pour raconter leur histoire de manière efficace. Passionné par les sciences cognitives, il intervient également dans le cadre de l’élaboration des outils de communication numérique, en portant une attention particulière à l’expérience utilisateur (UX) et à l’accessibilité numérique. Sa capacité à concevoir des histoires, développée en tant que scénariste, poursuit aujourd’hui son évolution dans le domaine de la communication. Enthousiaste et engagé pour une communication respectueuse des publics, il est heureux d’aider les marques à trouver leur voix unique et à la communiquer efficacement.