Et si la prise de conscience passait par la sensibilisation ? Quel rôle les musées doivent-ils jouer face au problématiques environnementales ? Au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, différentes actions sont déployées afin d' »ancrer l’humain en nature ». Nous en avons parlé avec Agnès Parent, directrice des publics.
Communicant.info : Bonjour Agnès, pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Agnès Parent : Après des études en diffusion des connaissances et en création (communication multimédia), j’ai participé et conduit pendant 5 ans des évaluations d’expositions pour un laboratoire du CNRS. Au sein du Muséum, j’ai contribué à l’élaboration d’une dizaine d’expositions (permanentes ou temporaires) et participé au premier développement de l’utilisation du web comme outil de diffusion des connaissances. En 2003, j ‘ai dirigé le projet « Galerie des enfants », ouvert en octobre 2010.
Actuellement, j’occupe le poste de Directrice des publics pour l’ensemble du Muséum : mise en place des grands axes stratégiques, programmation des expositions et des actions culturelles, contenus numériques, éditions, expositions itinérantes, etc. Je suis par ailleurs Présidente de l’Amcsti (le réseau professionnel des cultures scientifique, technique et industrielle) depuis juillet 2021.
« Inspirer un autre regard sur ce qui nous entoure »
C.I : Des chercheurs comme Robert Michael Pyle (extinction de l’expérience de la nature) ou Peter H Kahn (amnésie environnementale générationnelle) estiment que l’une des raisons de la crise de la biodiversité est l’absence de connexion ou d’attention au vivant autour de nous. Dans ce contexte, quel rôle doit jouer un musée, qui plus est un musée d’histoire naturelle ?
AP : Le Muséum œuvre chaque jour à reconnecter les publics à leur environnement, à inscrire l’idée de « l’humain en nature ». Pour nous voir, sentir, entendre, parfois toucher le vivant, sont des expériences fondamentales pour une population de plus en plus urbaine.
Par une médiation qui incite à l’observation des phénomènes, il est possible de déclencher un autre regard sur cette nature, de plus en plus lointaine pour nombre de nos concitoyens. Visiter une galerie, voir « en vrai » cette biodiversité ou ces objets de cultures lointaines, ce que l’on ne peut percevoir (squelettes, organes) ou encore ce qui n’existe plus, relève du même registre et peut éveiller un questionnement sur notre rapport au monde.
Les sciences participatives inspirent aussi un autre regard sur ce qui nous entoure en motivant les citoyens à vivre des expériences en nature, à observer, à comprendre, tout en permettant aux scientifiques de mieux décrypter notre environnement.
Ainsi, de multiples actions sont déployées, pour une variété de publics dont les plus jeunes, afin d’ancrer l’Humain en nature : une rencontre avec des collections extraordinaires, une médiation sensible et multisensorielle ou la mise en place d’expériences innovantes comme l’Odyssée sensorielle.
L’Histoire naturelle, est aujourd’hui, encore plus que jamais au cœur des débats science/ société (érosion biodiversité, changement climatique, santé, relation Homme/environnement, etc.). Cette discipline d’observation est par ailleurs, un puissant outil pédagogique pour expliciter les méthodes scientifiques, la construction de la connaissance et ainsi participer au développement de l’esprit critique, si important pour lutter contre la désinformation.
« Émerveiller pour instruire »
C.I : Au Muséum National d’Histoire Naturelle, vous avez, notamment, mis en place l’Odyssée Sensorielle : pouvez nous la présenter et nous dire quels en sont les résultats ?
AP : L’Odyssée Sensorielle a été réalisée en coproduction par le Studio Sensory Odyssey et le Muséum National d’Histoire naturelle. Elle invite le visiteur à un grand voyage à la rencontre des milieux naturels et des espèces qui peuplent notre planète. L’exposition se vit avec ses sens et ses émotions, à travers des images haute définition, des ambiances sonores et olfactives spatialisées, qui se déploient dans une immersion tout à la fois intime et collective. Par son propos original et universel sur la (re)découverte de notre patrimoine naturel, l’Odyssée Sensorielle a pour finalité de transmettre des connaissances et de sensibiliser aux enjeux de la préservation de la biodiversité, exprimant dans toutes ses dimensions l’adage du Muséum « émerveiller pour instruire ». Le format inédit de cette production lui permet de s’adresser à tous les publics . Les premiers retours sont très positifs : nous avons une très bonne fréquentation (100 % des créneaux sont remplis les week-end et vacances scolaires) et 80 % des visiteurs sont satisfaits dont 70 % très satisfaits. Une étude des publics complémentaire permettra de préciser bientôt ces bons résultats.
C.I : Autant ce travail de sensibilisation semble évident dans un musée d’histoire naturelle, il l’est peut être moins pour un musée historique ou d’histoire de l’art. Quelles pourraient âtre les pistes à explorer pour ces musées ?
AP : Les musées de sciences ont toujours affirmé une mission pédagogique et de sensibilisation. De nombreux musées d’art et d’histoire mènent également des actions extraordinaires en la matière, que cela soit par la médiation humaine, l’exposition, l’atelier, les actions hors les murs… La crise du Covid, entrainant la fermeture des musées définis comme non essentiels a fortement secoué le secteur qui a beaucoup échangé, durant la période, sur son rôle dans la société et les actions à mettre en œuvre pour le renforcer. Ainsi, les réseaux professionnels comme l’Amcsti (le réseau professionnel des cultures scientifique, technique et industrielle) ou l’ICOM-France (International Council of Museum) sont des espaces d’échanges et de réflexions structurants pour avancer tous ensemble pour plus d’inclusion, de partage de la connaissance, d’engagement.